Un air de bout du monde… à quelques heures de route
Il n’est pas nécessaire de traverser un océan pour ressentir ce qu’on éprouve devant une nature encore brute. La Pointe du Hourdel, au sud de la baie de Somme, m’a offert cette sensation rare : celle d’être au bon endroit, au bon moment, là où la nature n’a pas (encore) cédé devant le béton. Un espace suspendu entre terre et mer, où l’horizon se dilate et où le silence porte plus fort que les mots.
Lors de mon séjour dans la région, j’ai voulu comprendre ce qui rend cette portion de littoral si singulière. Et comme souvent, ce sont les détails — le vent sur les galets, la marée qui redessine les contours du paysage à chaque cycle, les phoques indolents au repos — qui racontent le mieux l’histoire du Hourdel.
Accéder à la Pointe du Hourdel : le choix de l’itinérance douce
Le village du Hourdel se situe à une quinzaine de kilomètres au sud de Saint-Valery-sur-Somme. Si vous souhaitez limiter votre impact écologique tout en profitant pleinement du paysage, je ne peux que recommander d’y accéder à pied ou à vélo, en empruntant la véloroute aménagée depuis Cayeux-sur-Mer ou Saint-Valery. Elle longe prairies salées, roselières et petits ports de charme, en suivant le trait de côte sans jamais brusquer le rythme du marcheur.
En voiture, l’accès est également possible, mais le stationnement peut être limité en pleine saison. Mieux vaut anticiper et arriver tôt si vous voulez éviter les foules… et les moteurs.
Un refuge naturel pour les phoques de la baie
C’est peu dire que la baie de Somme est l’un des joyaux de la façade maritime nord de la France. Classée réserve naturelle nationale, elle abrite aujourd’hui la plus grande colonie de phoques veaux-marins du pays. On en compte environ 400 individus, auxquels s’ajoute une centaine de phoques gris, plus imposants mais moins nombreux.
La Pointe du Hourdel est un des endroits les plus propices à leur observation. Mais attention : mieux vaut miser sur la marée basse. C’est à ce moment que les phoques viennent se reposer sur les bancs de sable découverts, formant parfois des grappes d’une trentaine d’individus. Une bonne paire de jumelles est un allié précieux, car on ne s’approche pas sans conséquence. Gardez au moins 300 mètres de distance : au-delà d’une simple recommandation, c’est une règle de bon sens pour ne pas perturber ces animaux sauvages.
Je me souviens d’un moment précis. En haut de la digue naturelle, un matin calme, marée descendante. Un groupe de phoques était là, allongé sur un haut-fond, tournant doucement la tête vers la terre sans bouger. Comme pour dire : « On vous a vus, et on espère que vous saurez rester à bonne distance. » On s’est compris.
Marée, lumière et silence : le triptyque du Hourdel
Ce qui frappe au Hourdel, c’est l’équilibre entre vacuité et vie. Le paysage change sans cesse : en deux heures, ce morceau de littoral peut passer d’un marais saturé d’eau à une étendue désertique où les mouettes semblent suspendues dans le vide. J’ai rarement observé un tel ballet lumineux. Même un ciel couvert n’ôte rien au charme brut des lieux.
Et puis… ce silence. Loin des plages surpeuplées, la Pointe du Hourdel fonctionne en mode minimaliste. Peu de constructions, pas de parasols, pas de clubs de plage. Seulement des oiseaux de mer, les ressacs, et parfois, un coup de vent iodé qui vous rappelle que la Manche n’est jamais bien loin.
À faire sur place : explorer sans dominer
Passer une journée (ou plus) au Hourdel, ce n’est pas cocher une case dans un guide touristique. C’est s’ouvrir à un mode de relation différent avec le territoire. Voici quelques idées d’activités adaptées au lieu et à son écosystème fragile :
- Balade guidée avec un naturaliste : plusieurs associations locales comme Picardie Nature proposent des sorties à pied commentées. Parfait pour repérer les phoques en respectant les distances, comprendre comment fonctionne la baie et repérer les plantes des zones salées.
- Observation ornithologique : n’oubliez pas vos jumelles. Limicoles, échasses, spatules… En fonction de la saison, le Hourdel est un poste d’observation naturel pour une grande variété d’oiseaux migrateurs. Le printemps est sans doute le moment le plus riche.
- Photographie naturelle : les couchers de soleil, les reflets miroitants dans les vasières, les silhouettes des phoques ou les jeux de lumière sur les galets constituent un terrain d’expression captivant. Sans flash, bien sûr.
En revanche, évitez de marcher en dehors des sentiers signalés, surtout sur les vasières (dangereuses et très sensibles à l’érosion), et privilégiez les interactions discrètes, loin du modèle « safari photo ». Ici, moins vous en faites, mieux c’est.
Écotourisme dans les environs : dormir sans compromettre
Pour prolonger l’expérience sans trahir l’esprit du lieu, plusieurs solutions d’hébergement sont disponibles autour du Hourdel tout en respectant des critères d’hébergement durable. J’ai personnellement testé une petite chambre d’hôtes labellisée Clé Verte à Saint-Valery-sur-Somme, construite en ossature bois, couverte d’un toit végétalisé, avec petit-déjeuner maison exclusivement local.
D’autres options existent :
- Des gîtes ruraux en autonomie, parfois sur des exploitations agricoles converties au bio.
- Les campings éco-conçus près de Cayeux ou de Noyelles, qui limitent leur consommation d’eau et leur impact paysager.
- Pour les plus aventureux : les bivouacs autorisés dans certaines zones en respectant scrupuleusement les règles locales (bâche au sol, pas de feu, départ au lever du soleil).
Point commun entre toutes ces offres ? Une vraie attention à l’empreinte laissée. Pas de greenwashing ici mais des efforts tangibles : valorisation des circuits courts, traitement des eaux, limitation des déchets non valorisables.
Petit guide pratique pour une visite responsable
Rendre visite aux phoques et à la Pointe du Hourdel, c’est prendre part à un équilibre fragile. Quelques recommandations simples suffisent pour contribuer à la préservation du site :
- Respecter les distances : 300 m minimum des colonnes de phoques, et pas d’accès à pied sur les bancs de sable.
- Venir à pied ou en vélo pour limiter les émissions et garder une logique douce.
- Emporter ses déchets (et ceux que vous trouvez parfois au passage). Pas de poubelles sur place = pas d’excuse.
- Utiliser une marée favorable : consultez les horaires pour éviter de rester coincé ou de louper l’observation des animaux.
- S’équiper de jumelles et non de drones, qui sont interdits sur la zone. Pour le bien-être des animaux… et le vôtre.
Pour connaître les marées et les horaires optimal d’observation, je vous recommande le site maree.info, simple et fiable.
Un paysage à lire dans le calme
Visiter la Pointe du Hourdel, c’est faire une pause. Accepter de ne pas avoir de programme chargé, de ne pas tout voir, de ne pas cocher l’agenda du tourisme « efficace ». Et pourtant, on y apprend. On y apprend sur nous-mêmes — notre rythme naturel, notre rapport au sauvage — et aussi sur ce monde qui existe encore quand on se tait un peu.
Quelque chose m’est resté de cette sortie. Pas les photos (je n’en ai pris que deux), pas les kilomètres marché, mais cette sensation précise qu’il est encore possible de rencontrer la nature sans la dominer. En laissant aux phoques, aux oiseaux et aux galets l’espace d’exister sans bruit. Et ça, même Google Maps ne peut pas l’indiquer.