Observer les oiseaux dans la baie de somme : une escapade éco-responsable en terre picarde

Observer les oiseaux dans la baie de somme : une escapade éco-responsable en terre picarde

Un écosystème unique entre terre, ciel et mer

La Baie de Somme, située sur le littoral picard, est bien plus qu’une étendue de sable modelée par les marées. C’est l’un des sites majeurs de migration en Europe, une halte indispensable pour des centaines d’espèces d’oiseaux en route vers le sud ou le nord selon les saisons. En tant qu’amateur d’écotourisme et de biodiversité, je m’y rends régulièrement, et à chaque fois, l’enchantement est au rendez-vous. Mais ici, pas question d’enchaîner les photos à la hâte ou de multiplier les déplacements en voiture : découvrir la baie dans le respect du vivant impose un certain rythme, presque une philosophie.

Pourquoi la Baie de Somme attire les oiseaux… et les observateurs

La configuration géographique de cette baie – entre estuaires, vasières, dunes et prairies humides – en fait un sanctuaire naturel. Le mélange d’eaux douces et salées, combiné aux cycles de marées impressionnantes, favorise une biodiversité exceptionnelle. Chaque année, plus de 300 espèces d’oiseaux y sont recensées. Parmi elles : les spatules blanches, les avocettes élégantes, les barges à queue noire, et bien sûr, les impressionnantes colonies de phoques veaux-marins et gris (pas des oiseaux, mais on leur pardonne leur intrusion).

Pour les ornithologues amateurs ou confirmés, c’est un lieu idéal d’apprentissage. On y comprend vite que l’observation d’oiseaux n’est pas une activité passive : elle mobilise l’attention, la discrétion, et la patience. Trois qualités qu’on cultive naturellement quand on passe quelques heures assis à contempler une colonie de sternes en plein festin marée basse.

Une escapade à faible impact

Choisir la Baie de Somme comme destination, c’est aussi faire un pied de nez au tourisme de masse. Ici, pas de files à l’entrée ni de cohue sur les plages. Ce que l’on vient chercher, c’est le silence, l’ampleur du paysage, et le vivant dans ce qu’il a de plus brut. Plusieurs options s’offrent à ceux qui souhaitent explorer sans polluer :

  • À pied : De nombreux sentiers balisés, comme ceux partant du Crotoy ou de Saint-Valery-sur-Somme, sillonnent l’arrière-pays et les zones humides. Parfait pour approcher les espèces sans les déranger.
  • À vélo : La Vélomaritime (EuroVelo 4) longe la côte et traverse les principaux points d’intérêt. On peut louer des vélos à assistance électrique à Saint-Valery ou Le Crotoy pour offrir un coup de pouce dans les portions venteuses.
  • En kayak : Plusieurs guides naturalistes proposent des sorties en kayak de mer, à marée basse notamment. L’approche est silencieuse et respectueuse, idéale pour glisser au cœur de la réserve.

Chaque type de déplacement a ses vertus. Personnellement, j’ai un faible pour la marche, qui permet d’observer aussi ce qu’on ne s’attend pas à voir : traces furtives dans le sable, nids camouflés dans la végétation, va-et-vient muets des insectes sur les dunes. Le vivant, dans toute sa discrétion.

Les meilleures périodes pour l’observation

Tout dépend de ce que vous souhaitez voir. En automne et au printemps, la baie devient un couloir migratoire effervescent. Les oiseaux s’y ravitaillent avant de traverser la Manche ou descendre vers l’Afrique. L’hiver est aussi une période fascinante : oies cendrées, canards siffleurs et limicoles y trouvent refuge par milliers. En été, bien que les migrateurs soient plus rares, les conditions sont idéales pour observer les espèces résidentes et profiter des longues journées.

Un conseil : consultez les horaires des marées. La marée basse est le moment le plus propice pour voir les oiseaux festoyer sur les vasières. Certains guides locaux proposent même des sorties « synchronisées » avec les rythmes naturels. Une bonne manière de se laisser guider sans perturber les équilibres.

Des guides passionnés et locaux : gages d’un tourisme respectueux

La Baie de Somme figure parmi les rares destinations où l’implication des habitants est aussi visible. Beaucoup de guides sont natifs de la région, parfois anciens pêcheurs à pied ou éleveurs reconvertis dans la médiation naturaliste. Leur connaissance du terrain, doublée d’un respect viscéral pour l’environnement, change considérablement l’expérience. J’ai eu la chance d’être accompagné par Michel il y a deux étés – un septuagénaire au regard franc, capable de reconnaître les cris des espèces à l’oreille, et d’expliquer la dynamique d’un estuaire en quelques gestes dans le sable.

Les sorties durent souvent deux à trois heures et mêlent observations pratiques, explications écologiques, anecdotes historiques, voire récits personnels. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces balades ne sont pas réservées aux initiés. Tout est fait pour rendre la découverte accessible, sans jamais verser dans la simplification ou la mise en spectacle.

Se loger de manière responsable

Il est facile de trouver un hébergement éco-responsable autour de la baie. Certains gîtes, comme ceux labellisés Gîtes Panda ou membres du réseau Accueil Paysan, mettent clairement en avant une approche durable : bâtiments rénovés avec des matériaux biosourcés, production d’énergie solaire, gestion raisonnée de l’eau.

J’ai séjourné dans une ancienne ferme picarde aux abords du Hâble d’Ault, transformée en chambre d’hôtes autonome en énergie et servant des produits 100 % locaux. Le propriétaire – ancien enseignant reconverti – organisait même des sessions de compostage pour les visiteurs. Plus qu’un hébergement, une immersion.

Quelques recommandations pratiques

  • S’équiper d’une bonne paire de jumelles : Inutile de viser immédiatement le haut de gamme. Mais un modèle à prismes en toit 8×42 permet déjà de voir proprement sans y laisser son budget de vacances.
  • Prévoir des vêtements adaptés : Le vent du nord peut être piquant, et les averses rapides. Un coupe-vent étanche et des chaussures imperméables sont vos meilleurs alliés.
  • Utiliser les silences : Les oiseaux n’ont pas besoin de bruit pour exister. Plus vous êtes discret, plus vous verrez.
  • Respecter la signalétique environnementale : Certains secteurs sont totalement interdits d’accès en période de nidification. Ne cherchez pas à transgresser pour « l’instant parfait », l’observation de loin est souvent bien plus riche.

Ce que cette escapade m’a appris

Observer les oiseaux, ce n’est pas seulement cocher des noms dans un guide d’identification. C’est (re)prendre le temps d’être spectateur du vivant, d’appréhender les cycles naturels, et de s’ajuster à un rythme qui n’est pas le nôtre. La Baie de Somme m’a offert ça : un autre regard sur le voyage, fait de lenteur, d’écoute, et de respect. Ici, l’impact de notre présence est palpable. L’empreinte que l’on laisse doit donc être, autant que possible, invisible.

En ces temps où le mot “nature” est souvent galvaudé, une escapade comme celle-ci a valeur d’atelier. On n’y vient pas pour consommer un paysage, mais pour apprendre à en faire partie, sans bruit. La meilleure leçon que j’en retiens ? Regarder avant de marcher, écouter avant de parler.